Jugement du tribunal administratif n°1805238 sur la requête des associations "Les amis de la terre France et autres" contre la décision préfectorale autorisant la...

Décision de justice
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Le tribunal administratif admet partiellement la requête des associations Les amis de la terre France, Greenpeace France, France nature environnement, France nature environnement PACA, France nature environnement 13 et la Ligue de protection des oiseaux PACA contre la décision préfectorale autorisant la société Total raffinage France à poursuivre l’exploitation de la raffinerie de Provence située sur la plateforme de La Mède comprenant la transformation de la raffinerie de pétrole brut en une bioraffinerie.

Saisi par les associations Les amis de la Terre France, Greenpeace France, France nature environnement et Ligue de protection des oiseaux d’une demande d’annulation de l’arrêté du 16 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Total raffinage France à poursuivre l’exploitation de la raffinerie de Provence située sur la plateforme de La Mède sur le territoire des communes de Martigues et de Châteauneuf-les-Martigues, comprenant la transformation de la raffinerie de pétrole brut en une bioraffinerie, le tribunal, par son jugement du 1er avril 2021, a partiellement donné satisfaction aux requérantes.

Le tribunal a considéré que l’autorisation d’exploiter la bioraffinerie accordée à la SAS Total raffinage France était entachée d’une insuffisance de l’étude d’impact du projet s’agissant uniquement du point relatif à ses effets sur le climat, compte tenu de l’utilisation de quantités très substantielles d’huile de palme et de ses dérivés (les « PFAD » ou palm fatty acid distillates, qui sont des distillats d’acides gras) pour produire des biocarburants alors que le recours à cette matière première est particulièrement nocif pour l’environnement par rapport à d’autres composés oléagineux, notamment pour le climat et la biodiversité en raison notamment d’un risque reconnu de changement indirect d’affectation des sols* générant déforestation et émissions de gaz à effet de serre, quels que soient les lieux et les modalités de production de cette huile végétale, ainsi que l’ont reconnu le législateur français et les institutions de l’Union européenne, en l’état des connaissances scientifiques.

La juridiction a relevé que l’étude d’impact du projet se limitait à faire état des effets positifs, notamment sur la qualité de l’air, dans l’environnement immédiat du projet de transformation du site sans intégrer la circonstance que la bioraffinerie devait fonctionner avec des quantités très substantielles d’huile de palme et de ses dérivés. Elle a donc estimé que le risque pour le climat lié à leur utilisation dans la production de biocarburants, qui était identifié par l’exploitant et l’administration, devait ainsi être pris en compte au titre de l’évaluation environnementale du projet.

Le tribunal n’a en revanche pas suivi le raisonnement des associations requérantes quant à l’insuffisance de l’étude d’impact s’agissant des effets de l’approvisionnement lui-même de l’installation en huile de palme, considérant que l’exploitant et le préfet n’avaient pas, compte tenu de la réglementation applicable, à analyser les effets de la production d’huile de palme jusqu’en Asie et en particulier en Indonésie et en Malaisie.

Il a également jugé que l’avis de l’autorité environnementale était irrégulier comme n’ayant pas été rendu par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à l’égard du préfet.

S’agissant de ces vices de procédure, le tribunal a décidé de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient de la loi pour surseoir à statuer le temps de la régularisation des irrégularités retenues et a donné neuf mois au préfet des Bouches-du-Rhône pour faire compléter l’étude d’impact par la société Total raffinage France, saisir la mission régionale de l’autorité environnementale pour avis sur le projet et soumettre l’avis rendu et l’étude d’impact complémentaire à enquête publique, le préfet devant prendre un arrêté modificatif pour tenir compte de ces nouveaux éléments.

Enfin, le tribunal a également considéré que, en admettant même l’engagement volontairement pris par la société Total de limiter à 300 000 tonnes annuelles le recours à l’huile de palme dans le fonctionnement de l’installation, le préfet n’avait pas formellement fixé de limite suffisamment précise à l’exploitant s’agissant des quantités d’huiles de palme et de ses dérivés pouvant entrer dans le fonctionnement de la bioraffinerie dès lors que la rédaction de l’arrêté contesté permet potentiellement l’usage, par rapport au volume maximal d’approvisionnement de l’installation qui est de 650 000 tonnes annuelles, de 450 000 tonnes d’huile de palme par an et de 25% de la charge de l’installation en dérivés de cette huile, sans limite temporelle, l’exploitant pouvant même justifier avoir réduit à un niveau aussi bas que possible la part des huiles végétales brutes de son plan d’approvisionnement. Le tribunal a donc estimé qu’en l’état où elles étaient rédigées, les prescriptions n’étaient pas suffisantes pour prévenir les atteintes à l’environnement résultant de l’usage d’huile de palme dans de telles quantités et a partiellement annulé l’arrêté contesté, dans cette seule mesure, tout en enjoignant au préfet de fixer des limites plus restrictives à l’exploitant, à la lumière notamment des éléments d’information obtenus dans le cadre de la procédure de régularisation à mettre en œuvre.

Il a écarté le surplus de l’argumentation développée par les associations et n’a pas estimé nécessaire ni de suspendre l’exécution de l’autorisation délivrée à la société Total raffinage France le temps de la régularisation compte tenu de ce que la bioraffinerie est en cours d’exploitation depuis le mois de juillet 2019 ni, compte tenu des éléments dont il disposait à son dossier, d’entendre les sachants dont l’audition lui était proposée.

Lire le jugement 

Communiqué de presse en pdf

* phénomène qui se produit lorsque des cultures aux fins de la production de biocarburants, de bioliquides et de combustibles issus de la biomasse entraînent le déplacement de cultures traditionnelles destinées à l'alimentation humaine ou animale et que cette demande supplémentaire intensifie la pression qui s'exerce sur les terres et peut se traduire par une extension des terres agricoles vers des zones présentant un important stock de carbone, telles que les forêts, les zones humides et les tourbières, provoquant un surcroît d'émissions de gaz à effet de serre.